Blogue

29/09/2013 20:15

Parc Ahuntsic, dernièrement. J'occupais un banc. J'y écrivais une nouvelle plutôt sombre par une journée de plein soleil.

Nous l'avons entendu bien avant de l'apercevoir. Nous avons regardé en sa direction, histoire de savoir qui était cet intrus doté de telles cordes vocales. L'homme tenait dans sa main gauche une laisse, au bout de laquelle se trouvait un chien plus très jeune, et dans sa main droite un cellulaire. Outil de communication pour l'un, c'est-à-dire lui seul, et de torture pour les autres, c'est-à-dire nous, pauvres auditeurs forcés. La teneur autant que le ton de la conversation, ou plutôt du monologue, ne laissait planer aucun doute. Monsieur était en colère contre quelqu'une et ne tarissait pas d'insultes à son égard. Il était en train de s'en plaindre à un tiers. J'ai eu de la compassion pour cet interlocuteur anonyme tenu d'écouter un hystérique raconter ses déboires. J'ai aussi eu pitié du chien d'un maître si agressif. 

Ma surprise a été de taille quand l'homme s'est tu, a rangé son arme d'intrusion massive, s'est accroupi et a caressé son chien en s'adressant à lui d'une voix douce et enjouée. Un baume apaisant sur une plaie vive. J'en ai soupiré de soulagement avant de reprendre tant bien que mal mon texte là où je l'avais laissé. 

Quand le cellulaire de l'homme en question a sonné quelques minutes plus tard et qu'il s'est remis à gueuler, mon regard a cherché et croisé celui de son chien. J'ai pu y lire que lui non plus n'aime pas les montagnes russes. Si certains les trouvent excitantes, à d'autres elles donnent carrément la nausée.

15/09/2013 14:05

Au cours de la même semaine, j'ai croisé l'homme en noir et la femme en rouge.

L'homme en noir, c'est le surnom qu'on donnait au chanteur country Johnny Cash. Je l'ai aperçu boulevard Gouin, un lundi ou mardi matin. Il attendait l'autobus. Pantalon noir, chemise noire et chaussures noires. Cheveux teints en noir avec favoris. Verres très très fumés. Je savais qu'Elvis était toujours vivant, mais je croyais que Johnny était mort et enterré depuis plus d'une décennie.

L'autobus est passé et l'a avalé avant que je n'aie eu le temps de me ressaisir et de lui demander un autographe. Je m'en mords encore les doigts. Je ne l'ai pas revu depuis.

La femme en rouge, c'est je ne sais qui. Une femme plus très jeune mais pas vieille pour autant. Enroulée dans un châle rouge. Les cheveux teints en rouge. Les joues rouges et du rouge écarlate aux lèvres. C'est avec un fort accent d'Europe de l'Est (Roumaine ?) qu'elle m'a abordée un jeudi ou vendredi matin : "On l'a encorrre dit à la télé hierrr : les Amérrricains prrréfèrrrent les blondes. Trrrès beaux vos cheveux. Trrrès trrrès beaux. Mais il faut plus de rrrouge." J'ai cru qu'elle faisait référence à ma tignasse. Mais elle a bougé les lèvres, l'air d'envoyer des baisers à un fantôme. Elle m'encourageait plutôt à porter du rouge-à-lèvres : "Mettrrre plus de rrrouge. Plus belle encorrre avec du rrrouge."

Je venais de rencontrer un genre de diseuse de bonne aventure excentrique, sympathique et favorable au maquillage. Elle non plus, je ne l'ai pas revue.

Deux personnages. Deux couleurs. Deux matins, une même semaine.

18/08/2013 17:17

Certaines occasions se présentent parfois non seulement au moment où on s'y attend le moins, mais à un moment carrément inopportun.

Vendredi soir. Je reviens de chez une amie à qui je n'ai pu, tel que convenu, rendre le service prévu. J'ai été prise de vertiges et de nausée en me levant de table, après m'être un peu trop bien sustentée. Les murs et l'amie en question m'ont soutenue entre la cusine et l'escalier extérieur où je me suis assise quelques instants avant de rendre ce dont je n'avais fait qu'une bouchée. Dommage pour les olives et les pistaches... Il m'arrive somme toute rarement de regretter d'avoir des goûts raffinés.

J'avais peine à me visualiser sur le siège du passager d'une voiture dans le but de rentrer chez moi. Qu'à cela ne tienne, le conjoint de ma chum m'a ramenée à Ahuntsic en conduisant très leeeeenteeeemeeeent, fenêtres baissées. La fraîcheur est de mise quand on a le coeur au bord des lèvres.

Rendue à la porte de mon 3 et demi chéri, celle de mon voisin s'est ouverte. Ce n'était cependant pas mon voisin. C'était un ami à lui. Plutôt mignon et sympathique, bien que je n'étais pas d'humeur à socialiser ni encore moins à draguer. Il m'a saluée et m'a dit qu'il travaillait dans une boulangerie et avait un surplus de pains qu'il se proposait de partager avec moi. J'ai retenu tant bien que mal un haut-le-coeur, puis j'ai souri et accepté volontiers son offre. J'adore le pain artisanal. C'est donc chargée de mie toute fraîche que j'ai franchi le seuil de mon humble demeure. À peine ai-je eu le temps de poser le tout sur le comptoir que j'ai couru vers la salle de bain pour un tête-à-tête avec le "trône". Je suis ensuite allée me coucher. Dieu merci, ça ne tournait pas trop, aussi ai-je vite fait de sombrer dans les bras de Morphée et de m'y complaire sans compter les heures jusqu'au lendemain.

Je me suis réveillée en assez bonne forme et surtout affamée. Sur le comptoir, j'ai aperçu le sac aux trésors. J'étais enfin disposée à en étudier le contenu et résolue à m'en délecter. J'en ai conclu qu'il faut décidément savoir saisir les occasions alléchantes, même lorsqu'elles tombent mal. Parce qu'on peut toujours en profiter en différé.

13/07/2013 21:09

J'habite Ahuntsic et travaille à Montréal-Nord. Entre mon 3 et demi chéri et la librairie, il y en a pour une heure et quart en longeant le boulevard Gouin. Un peu plus au retour en passant à travers le parc de l'Île-de-la-Visitation. Ce sont là des alternatives au beige boulevard Henri-Bourassa. Plus d'arbres que de béton. Le parfum des fleurs plutôt que celui des gentes dames que je serais contrainte de côtoyer dans l'autobus. Des chants d'oiseaux plutôt qu'un concert de klaxons. Quelques chats qui se laissent regarder, quelques chiens qui se laissent caresser, quelques autres marcheurs, plusieurs cyclistes,... Tout ça plutôt qu'un flot ininterrompu de véhicules et leurs conducteurs stressés pour cause d'heures de pointe. Il est décidément plus reposant de marcher que de conduire, du moins dans une grande ville. Les plus grands risques encourus sont : a) se fouler une cheville en tombant d'un trottoir, b) se faire attaquer par un carouge dont on passe trop près du nid et c) écraser des escargots les jours de pluie. Si on doit constamment être sur ses gardes au volant, on peut la baisser, la garde, quand on marche.

Chaque matin, j'enfile mes chaussures comme d'autres "embarquent" dans leur voiture ou montent à bord d'un autobus. Je lève la main droite et fait ce serment : tant que mes pieds pourront me porter, je marcherai davantage que je ne roulerai ! 

13/07/2013 20:52

Édon Descollines pousse la porte du lieu où je travaille et la franchit en chantant. Il ne se contente pas de fredonner, lui. Il chante. Des paroles sorties tout droit de sa débordante imagination. Il décline aussi de la poésie. Des vers de son cru. Et il ne manque pas de les faire rimer.

Édon Descollines aime la beauté. Quand ses yeux se posent sur la photo d'une femme qu'il trouve belle, il s'adresse directement à elle et lui demande si elle est mariée et s'il peut lui écrire un poème. Hier, quand il est entré dans la librairie, il a aperçu Sophie Marceau en courverture du Larousse 2014. Il m'a demandé si c'était moi. Sophie Marceau est une magnifique actrice française. Un canon. J'aime donc beaucoup Édon Descollines. Il ne fredonne pas, il chante. Il ne murmure pas, il clâme haut et fort ce qui lui passe par la tête. Il n'a que faire de ce qu'on pense de lui. Il ne semble ni souhaiter ni ne cherche à être un autre que celui qu'il est. Il EST, tout simplement. Pas discret, mais pourtant si candide. Dépourvu de toute malice, il dérange néanmoins. Comme tout ce qui déborde des lignes déjà tracées.

Édon Descollines est un personnage. Un personnage haut en couleurs. Un arc-en-ciel dans nos cieux parfois gris.

07/07/2013 15:22

C'est un banal jeudi soir. Je fais quelques étirements avant d'aller au lit. En m'étirant le cou, justement, je pose les yeux au plafond. Il est constellé d'une multitude de minuscules araignées. Minuscules, Dieu merci. Leur taille réduite m'a permis de garder mon calme, du moins en partie. J'ai néanmoins invoqué tous les saints du ciel, me demandant auquel en particulier je devais me vouer dans cette situation désespérante.

Je suis "montée en chaire" et je les ai éliminées une par une le temps d'un long sermon. Je vis seule par choix, pas par dépit. Je ne supporterais plus la colocation avec des humains, pas plus que je ne tolère de côtoyer la vermine, si tranquilles soient les premiers et inoffensive la seconde. Mais quand de tels pépins surviennent, même insignifiants, j'aimerais bien avoir le numéro de Clark Kent, l'audace de le composer et le soulagement de voir Superman voler à mon secours peu importe l'heure !

Il était plus de minuit quand j'ai rangé les armes, c'est-à-dire une de mes "gougounes". Je n'ai appelé personne. Je me suis couchée et je suis néanmoins parvenue à dormir quelques heures. Le lendemain matin, j'ai tué les membres du clan qui avait échappé au massacre de la veille. Je me suis rendue au travail, anxieuse à l'idée de devoir me taper une nouvelle partie de chasse le soir-même et les suivants. Anxieuse aussi à l'idée qu'une indésirable "mère de famille nombreuse" ait élu domicile dans mon 3 et demi chéri. Anxieuse à l'idée de devoir appeler et mon proprio et un exterminateur à défaut d'appeler Clark Kent.

Vendredi soir. Je suis allée rendre visite à une amie. Généreuse, elle m'a prêté SON coloc et donné un bas de nylon. Le coloc m'a ramenée chez moi et a jeté un coup d'oeil à mon climatiseur qu'on soupçonne d'avoir servi d'intermédiaire entre "dehors" et mon salon. Le bas de nylon, lui, a été enfilé sur l'embout du tuyau dudit climatiseur. Bienheureux soient les filtres qui nous protègent de barbares invasions ! Et bienheureux soit celui qui, sans pour autant porter la cape, consent à débarquer chez moi sans trop de délicatesse mais avec toute sa bonne volonté, son incomparable accent italien et les outils qu'il faut pour régler les bobos de ma modeste demeure ! Je ne sais pas si je suis vraiment digne de le recevoir, mais je sais qu'il n'a que quelques paroles à dire et quelques gestes à faire pour que je me sente rassurée. 

Samedi. C'est le calme après l'arachnicide. Je crains la récidive ou la contre-attaque. Je me croise les doigts. Et quand je lève les yeux au ciel, je fais d'une pierre deux coups. Je m'assure que le champ de bataille est libre et je prie pour qu'il le reste.

Amen.

16/06/2013 22:22

Ma Fuji s'est suicidée. Quand je me suis tirée du lit hier matin, je l'ai trouvée sur le sol de mon salon. Elle est tombée sans faire de bruit au cours de la nuit. Enfin, peut-être en a-t-elle fait un peu, mais comme j'habite sur une rue passante, je porte des bouchons. Je suis par conséquent moins susceptible d'entendre les appels au secours ou les silencieuses plongées dans le vide.

Ma Fuji était encore épanouie et éclatante la veille. Elle n'a pas flétri lentement mais sûrement comme certaines. J'ai donc écarté l'hypothèse de la vieillesse. Celle du meurtre aussi. Je ne suis pas somnambule et si je l'étais, j'ose espérer que je ne me prendrais pas nuitamment pour un samouraï.

Ma Fuji s'est retirée au sommet de sa gloire relative et de sa beauté incontestable. J'aurais pu faire un St-Jean-Baptiste de moi-même et la nommer "Marilyn" en l'aspergeant. M'en mettre plein la vue pendant quelques jours aura-t-il été une raison de vivre suffisante pour elle ? Ai-je été un public digne d'un tel spécimen ? Vaut-il mieux mourir jeune en ayant vécu intensément ou avoir une longue vie tranquille mais tout de même parsemée de quelques épreuves ? N'est-ce pas l'ultime liberté que de choisir soi-même le moment et la manière dont on tire sa révérence ?

Ma Fuji n'est plus. Mes questions demeurent. J'envie parfois les fleurs...

 

09/06/2013 22:51

On s'achète volontiers du poulet, du brocoli et du lait, mais on hésite à s'offrir du canard, un casseau de framboises ou un fromage à pâte molle. On remplit le réservoir de sa voiture d'essence ou on paie son titre mensuel de transport en commun sans trop rechigner, mais on refuse obstinément de prendre un taxi un soir de grande fatigue. On "règle" ses comptes sans trop se poser de questions, mais on ne se permet que trop rarement de faire une razzia de bons livres dans une librairie. Même une MINI razzia. Même une MINI razzia de livres DE POCHE.

C'est quand je suis le plus fauchée et qu'il ne reste au fond de mon porte-monnaie qu'une poignée de huards et d'ours polaires que je prends plaisir à m'offrir une crème glacée, un bijou de pacotille ou... une fleur. Une seule. J'entre chez un fleuriste et je fais un choix pas trop judicieux entre toutes ces belles qui me font de l'oeil derrière la vitrine qui les protège.  

Aujourd'hui, je me suis offert une Fuji. Malgré son nom japonais, il ne s'agit ni d'une quatre roues motrices ni d'un gadget électronique. Je l'ai voulue blanche, moi qui aime tant les couleurs. La pureté nous va parfois si bien...

Elle est aussi belle qu'elle est inutile. Un brin de perfection pour égayer ma vie imparfaite. Parfaitement imparfaite.

                                                                                

 

22/05/2013 13:44

Dommage... Les Québécois, voire les Nords-Américains, n'osent plus dire aux femmes qu'ils les trouvent belles. Ils ont peur de nous faire peur. Et peut-on les en blâmer ? Il est vrai qu'on a tendance à craindre certains regards et à se méfier des compliments. On accepte difficilement ce qui nous est offert sincèrement ET gratuitement. Et pourtant...

Aujourd'hui, un immigrant est revenu sur ses pas pour me laisser savoir que ma robe lui plaisait et qu'elle lui rappelait le jour où il avait découvert la chanson "Ne me quitte pas" de Jacques Brel. Trente secondes qui ont fait ma journée ou plutôt ma semaine ! Deux pupilles qui croisent les vôtres, quelques mots qui s'échangent, un moment qui se crée. Ces hommes qui viennent d'ailleurs ont encore de l'audace. Peut-être en ont-ils trop parfois ? Peut-être. Mais quand ils en ont juste assez, leurs regards sont des caresses et leurs paroles de douces mélodies.  

J'aimerais que les yeux se redressent et que les lèvres s'entrouvrent pour murmurer, affirmer ou crier que les chevelures, les poitrines, les hanches et les jambes des femmes sont infiniment plus sensuelles et excitantes que les craques des trottoirs...

20/05/2013 17:23

Quitter. Son village, son emploi, son chum. Laisser derrière soi ce qu'on n'aime plus. Ou ce qu'on aime encore mais qui ne nous convient plus. Ou ce qui nous convient toujours mais moins que ce qu'on pourrait potentiellement trouver ailleurs. Sortir de sa zone de confort. Perdre ses repères. Tourner le dos à ce qu'on connaît si bien. Regarder au loin. L'inconnu. Un horizon de possibilités... Reporter son regard sur ses pieds. Constater qu'il n'est pas utopique qu'ils soient tous les deux "dans la même bottine" ET "dans l'ciment" ! Choisir de ne plus être inerte. Se dégourdir. Avancer. À chaque pas, une bonne raison de s'arrêter ou de faire demi-tour. Continuer. Avoir peur. L'accepter. Comprendre qu'à n'avoir presque jamais rien tenté, on a bien peu à perdre. Mettre un pied devant l'autre et regarder devant soi. S'enfarger parfois. Se relever sans faute. Poursuivre. Bifurquer peut-être ? Pourquoi pas.

Certains savent dès l'âge de 15 ans qu'ils seront plombiers ou professeurs et le deviennent. Il m'arrive de les envier. Il me semble que la vie doit être plus simple pour ceux qui savent exactement ce qu'ils veulent. Sur les sentiers linéaires, il doit être plus facile de prévoir les embûches. Mais si l'autoroute s'avère la voie la plus rapide pour aller d'un point A à un point B, elle est rarement la plus panoramique. Les "pelleteux d'nuages", eux, tendent à privilégier les sentiers plus sinueux et au relief plus accidenté. S'ils débusquent un peu de courage en cours de route, il y a même fort à parier qu'ils en défricheront de nouveaux ! Au cross-country de la vie, ils arriveront certes bons derniers. Toutefois, ce sont eux qui auront assurément les meilleures histoires à raconter et qui brandiront les plus belles photos de voyage...

À tous ceux qui sont davantage habités par le doute que par la certitude, j'offre ce chef-d'oeuvre de la grande Anne Sylvestre : https://www.youtube.com/watch?v=WQuAugvtp2Y

 

1 | 2 >>

Tags

La liste des tags est vide.