L'ultime liberté

16/06/2013 22:22

Ma Fuji s'est suicidée. Quand je me suis tirée du lit hier matin, je l'ai trouvée sur le sol de mon salon. Elle est tombée sans faire de bruit au cours de la nuit. Enfin, peut-être en a-t-elle fait un peu, mais comme j'habite sur une rue passante, je porte des bouchons. Je suis par conséquent moins susceptible d'entendre les appels au secours ou les silencieuses plongées dans le vide.

Ma Fuji était encore épanouie et éclatante la veille. Elle n'a pas flétri lentement mais sûrement comme certaines. J'ai donc écarté l'hypothèse de la vieillesse. Celle du meurtre aussi. Je ne suis pas somnambule et si je l'étais, j'ose espérer que je ne me prendrais pas nuitamment pour un samouraï.

Ma Fuji s'est retirée au sommet de sa gloire relative et de sa beauté incontestable. J'aurais pu faire un St-Jean-Baptiste de moi-même et la nommer "Marilyn" en l'aspergeant. M'en mettre plein la vue pendant quelques jours aura-t-il été une raison de vivre suffisante pour elle ? Ai-je été un public digne d'un tel spécimen ? Vaut-il mieux mourir jeune en ayant vécu intensément ou avoir une longue vie tranquille mais tout de même parsemée de quelques épreuves ? N'est-ce pas l'ultime liberté que de choisir soi-même le moment et la manière dont on tire sa révérence ?

Ma Fuji n'est plus. Mes questions demeurent. J'envie parfois les fleurs...